Publié le 02 février 2022 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 31 janvier 2024

Il était une fois… la Maison Odorico

Une nouvelle vie pour un lieu chargé d’histoire

Salle de bain du restaurant Bretone
Destination Rennes – Franck Hamon

Au numéro 7 de la rue Joseph Sauveur, une façade originale fait briller les yeux des passants depuis plus de 80 ans. C’est la « Maison Odorico » désormais ouverte au public et transformée en crêperie-salon de thé. Baptisée « Bretone » (« Bretagne » en italien), l’adresse met en valeur le savoir-faire de la famille de mosaïstes qui a marqué Rennes et le Grand Ouest de son empreinte.

Une adresse « authentique et populaire »

Les Rennais en rêvaient depuis toujours : pouvoir entrer dans la Maison Odorico ! C’est désormais possible. Après plusieurs années de travaux de restauration et de transformation, la Maison de la famille Odorico abrite aujourd’hui une crêperie : Bretone qui se prononce « brétoné » à l’italienne et qui signifie « Bretagne ». Un projet ambitieux, porté par Jean-Louis Serre, propriétaire du bar le Hibou et de nombreux autres établissements rennais appréciés des connaisseurs (Le Saint-Germain, La Piste, La Cavale…) et qui a revendu l’établissement en février 2024.

« L’objectif était de mettre en valeur l’intérieur de la maison et ses décors et de permettre aux Rennais de la visiter, sans forcément consommer » explique Jean-Louis Serre qui habite dans le quartier depuis de nombreuses années et qui a été accompagné par le cabinet O+P architectes dans ce projet. « Le choix d’une crêperie s’est vite imposé, c’est un lieu populaire, traditionnel et authentique. »

Un projet que Daniel Enocq infatigable « chasseur » de mosaïques voit d’un bon œil : « Pour les Rennais et pour beaucoup de gens qui s’intéressent au patrimoine, le fait que ce soit un restaurant est génial. Depuis que j’ai commencé mon inventaire des mosaïques Odorico je rêve d’entrer dans cette maison… » Auteur de beaux livres sur les mosaïques Odorico, Daniel Enocq apprécie le travail de restauration effectué, en particulier dans la salle de bain, le chef-d’œuvre des lieux avec son décor de poissons. « L’intérêt de la maison réside surtout dans les mosaïques de la salle de bains, réalisées par Galliano Serafini l’un des grands chefs d’ateliers, c’est à lui qu’on doit les grandes œuvres signées de la seconde génération d’Odorico » explique Daniel Enocq.

La salle de bain, un chef d’oeuvre restauré par une mosaïste rennaise

La magnifique salle de bains a été restaurée par une mosaïste rennaise, Caroline Bernard, dont l’atelier Les carreaux de Caro est situé à quelques pas de la maison Odorico. Un chantier de longue haleine. 3 semaines ont été nécessaires pour redonner leur lustre aux carreaux de mosaïques dans cette pièce unique. C’est désormais un petit salon où les visiteurs pourront patienter dans un décor marin plein de reflets dorés. Toutes les mosaïques réalisées par Odorico ont été restaurées et mises en valeur. Certaines, dans la partie cuisine au sous-sol, ont été protégées. Un projet complexe destiné à mettre en valeur le patrimoine tout en y implantant une activité de restauration.

Une terrasse et un rooftop

La maison était en effet « dans son jus ». La façade doit d’ailleurs encore être restaurée… La distribution originelle des pièces a été conservée pour créer 4 espaces répartis sur les différents étages, soit 200 couverts au total avec, cerise sur le gâteau, la création d’un rooftop et d’une terrasse dans la cour arrière.

A l’intérieur, avant de s’intéresser à ce qu’il y a dans les assiettes, ce sont évidemment les décors de mosaïques qui attirent l’œil. L’histoire de la maison est intimement liée à celle de la famille Odorico et au développement de ses activités dans la région.

La famille Odorico et le quartier de la Petite Californie, toute une histoire…

La maison d’habitation privée, a été construite en 1940 pour Isidore Odorico fils, descendant de la célèbre famille de mosaïstes italiens. Ces artistes et artisans, venus de la région du Frioul, se sont installés à Rennes en 1882 après avoir travaillé sur le chantier de l’Opéra Garnier à Paris. Au fil des générations, les mosaïstes s’imposent comme des références multipliant les chantiers à Rennes et dans tout le Grand Ouest : leurs mosaïques ornent ainsi la piscine Saint-Georges, la Poste du Palais du Commerce, la maison bleue à Angers et de nombreux commerces, façades et résidences privées à Rennes et en Bretagne, notamment sur la Côte d’Emeraude.

A Rennes, les Odorico ont vite trouvé leurs marques dans le quartier de la Petite Californie. Dès son arrivée à la fin du XIXème siècle, la famille Odorico s’installe ainsi rue Dupont-des-Loges avant d’acquérir en 1897 un ensemble de bâtiments au 7 rue Joseph Sauveur. L’une des deux familles Odorico y réside. C’est là que se trouve le siège de l’entreprise jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale, avant de déménager rue de Léon. La famille installera plus tard un show-room dans l’immeuble voisin, dans l’actuel bar le Hibou dont les mosaïques ont été récemment restaurées elles aussi.

Une maison étonnante au style « moderniste »

La fameuse Maison Odorico est construite sur l’emplacement des anciens bâtiments de l’entreprise de mosaïque transformés en résidence. En 1939, Isidore Odorico commande les plans à l’architecte Yves Lemoine dans un style très avant-gardiste. « C’est très moderne pour l’époque » explique Daniel Enocq, « on est plus dans le Modernisme que dans l’Art déco ». Et évidemment les mosaïques sont partout à l’intérieur, au sol, sur les murs, dans la cage d’escalier… Au sous-sol il reste même des vestiges des anciens modèles de mosaïques destinés à décorer la Poste du Palais du Commerce.

« La forme de la maison avec un toit terrasse, de grandes baies en façade, une porte en retrait était un dessin très avant-gardiste pour l’époque » confirme Philippe Bohuon, adjoint à l’animateur de l’architecture et du patrimoine à l’Office de tourisme. « Entre l’intérieur et l’extérieur (y compris le trottoir) c’est une grande partie du catalogue et des matériaux de l’entreprise de mosaïque que l’on peut découvrir : marbre, granito, pierres, smaltes, grès cérame, pâtes de verres ou émaux qui ont fait la renommée des Odorico. »

Un patrimoine mis en valeur par de nouveaux aménagements pour amener de la lumière. Avec le souci du détail : Chloé Le Coz, épouse de Jean-Louis Serre, a imaginé le nouveau design des lieux, avec la complicité de la boutique Garance. Le but ? Mettre en valeur le décor de la maison et apporter de petites touches contemporaines, tout en restant cohérent avec le style de l’époque.

Au menu de Bretone : crêpes, galettes et plats du jour…

Tradition et modernité se marient aussi dans les menus. Au-delà des traditionnelles galettes de blé noir et crêpes de froment, le restaurant propose également des plats du jour, privilégiant les produits de saison en circuit court ainsi qu’une gamme de thés bios, histoire de varier les plaisirs.

Depuis son ouverture en novembre 2021, Bretone a vite séduit les gourmands, alors n’oubliez pas de réserver ! Une nouvelle adresse idéale pour prolonger votre visite guidée sur les traces des mosaïques Odorico proposée par l’Office de tourisme. Son parcours se termine en effet devant la Maison Odorico dont les portes sont enfin ouvertes aux curieux.

  • Crédit photos : Destination Rennes – Franck Hamon

Infos pratiques

  • Bretone, crêperie-salon de thé, 7 rue Joseph Sauveur, ouvert 7 jours sur 7, du lundi au dimanche de 11h à 23h. Réservations au 02 21 07 62 44. Page Facebook

Tourisme éco-responsable