Publié le 22 avril 2021 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 27 décembre 2023

Dans le secret des cours intérieures…

Entrez dans l’envers du décor du centre historique

Les cours intérieures, une particularité rennaise
Destination Rennes – Julien Mignot

Lyon a ses traboules, Séville ses patios et Rennes… ses cours intérieures. Une curiosité du patrimoine local qui se dévoile à l’occasion de visites guidées. Bienvenue dans l’envers du décor.

Derrière les façades une Rennes intime et colorée se dévoile

Derrière les portes cochères, il existe tout un monde, une sorte de ville parallèle, à l’abri des regards et de l’animation des rues piétonnes du centre historique. Les cours intérieures rennaises sont étroitement liées à la manière dont la ville s’est construite au Moyen Âge, à l’intérieur des remparts. Des trésors cachés qui font partie de l’histoire architecturale de Rennes…

Photo : nos curieux voyageurs

« La particularité des cours intérieures rennaises, au-delà de leur nombre, c’est la mixité des ambiances. C’est une Rennes intime et colorée qui se dévoile à l’occasion de nos visites guidées qui permettent de jouer au passe-muraille, de voir ce qui est caché derrière les façades : les cours intérieures mais aussi les cages d’escaliers » raconte Gilles Brohan, Animateur de l’architecture et du patrimoine à l’Office de tourisme de Rennes Métropole.

Comme dans d’autres villes, ces espaces étaient avant tout des passages, à l’image des fameux traboules lyonnais. Il y a encore peu de temps chacun connaissait ces passages discrets, voire secrets, pour aller d’une rue à l’autre. Avec les temps, les cours se sont refermées petit-à-petit, pour des raisons de sécurité et pour garantir la quiétude des riverains. La visite guidée sur les cours intérieures est l’occasion d’y pénétrer à nouveau en suivant les guides-conférenciers de Destination Rennes, les seuls à en détenir toutes les clés.

Un patrimoine en restauration permanente

Dans le secteur sauvegardé, beaucoup de cours et de cages d’escaliers sont d’ailleurs en cours de restauration pour les restituer au mieux de leur état d’origine. Ce sont de gros chantiers pour les copropriétaires. Un patrimoine fragile préservé grâce au programme Rennes Centre ancien.

« C’est un héritage d’une grande diversité, certains immeubles sont antérieurs à l’incendie de 1720, d’autres sont des copropriétés reconstruites postérieurement, on trouve aussi des traitements plus contemporains » détaille Gilles Brohan.

Une histoire derrière chaque porte

Destination Rennes – Julien Mignot

En se baladant dans la ville on n’imagine pas toutes ces cours intérieures, certains sont fermées et indétectables. « Il y a toujours un effet de surprise quand on pousse une porte, avec souvent une façade construite en pierre et dans l’envers du décor tout un travail en pans de bois encore visible qui fait partie de l’héritage de notre histoire urbaine » explique encore Gilles Brohan. « L’intérêt des visites guidées est de montrer l’échelle de la restauration du centre ancien et comment la ville du XVIIIème s’est reconstruite sur de petits espaces ».

« Le patrimoine n’est pas figé »

Et chaque cour est différente, les restaurations s’adaptent à leur configuration. Par exemple, rue Lafayette au numéro 5, la cour intérieure est assez généreuse, mais au XIXème on y a construit une colonne de toilettes en extension des coursives. « Lorsqu’au XXème siècle les appartements ont intégré des toilettes, celles sur le palier n’avaient plus d’utilité » indique Gilles Brohan. « Le projet de restauration a pris le parti de conserver cette colonne pour y installer un ascenseur. C’est un exemple intéressant qui montre que le patrimoine n’est pas figé, on peut apporter de la modernité dans des lieux sauvegardés à partir du moment on cela n’entraîne pas de dommage sur le bâti ».

Destination Rennes – Julien Mignot

Mais pourquoi autant de cours intérieures à Rennes et quelle était leur utilité au Moyen Âge ? Impossible de savoir combien il en existait à l’époque. On sait tout de même grâce à un document fiscal du XVème siècle, qui habitait dans ces cours. Le plan issu de ces informations montre une ville relativement dense, avec sur les propriétés bourgeoises et celles relevant de l’Évêché, des cours beaucoup plus grandes, voire des jardins en cœur de ville, en particulier au Sud de la Vilaine et dans les faubourgs au-delà des remparts.

Quand les cours intérieures abritaient des écuries, des étables, des ateliers…

Au niveau de la fonction des cours intérieures, la description faite en 1636 par le seigneur Dubuisson-Aubenay dans son Itinéraire de Bretagne n’est pas très reluisante : le bétail accédait à la cour par les habitations. A l’arrière des façades on trouvait donc un espace qui servait à la fois de remise, d’écurie, d’étable, d’atelier de jardin… « c’était un peu la ferme en ville » résume Gilles Brohan.

L’autre intérêt des cours intérieures était d’apporter un peu de lumière dans un tissu urbain très imbriqué à l’intérieur des remparts.

Après l’incendie de 1720, les cours intérieures servent de pare-feux

Après l’incendie de 1720, les cours intérieures vont avoir un nouvel usage, celui de pare-feu. La logique de la reconstruction de Gabriel consiste à créer des places, de nouveaux espaces, d’amener de la lumière dans le tracé médiéval, d’apporter de la salubrité aussi. L’esprit des Lumières souffle sur la ville, elle bascule alors dans l’urbanisme du XVIIIème siècle. Les cours intérieures sont donc encore plus nombreuses après l’incendie. Même aujourd’hui, impossible de savoir combien il en existe. « Il y a quasiment autant de cours que d’immeubles, certaines sont communes à plusieurs bâtiments » note Gilles Brohan.

Destination Rennes – Julien Mignot

L’objectif des restaurations actuelles est de conserver ce patrimoine, d’ouvrir les coursives quand elles ont été privatisées et surtout, de sécuriser les lieux face aux risques d’incendie. Car même après 1720, si on a reconstruit en pierres les façades, cours, escaliers et coursives ont continué d’être bâties avec du bois, le matériau le moins cher et disponible localement. La main-d’oeuvre abondante en charpenterie et les talentueux escaliéteurs avaient aussi besoin de travailler à la reconstruction. Les restaurations les plus récentes s’attachent donc à faciliter l’accès aux pompiers, à créer des refuges si besoin, et à rouvrir des issues tout en redonnant de la lisibilité et de l’authenticité au bâti. Un défi architectural de taille.

Marque des encaveurs, boute-roues et décrottoirs

Si on sait ouvrir l’œil dans ces cours intérieures, il reste de nombreux éléments de patrimoine et d’histoire intéressants. Comme la marque des encaveurs, en forme de fer à cheval, qui servait à faire entrer les barriques de cidre dans les caves. Sur le côté des portes cochères, on remarque aussi par endroit les boute-roues, des bornes de pierre destinées à protéger les roues des attelages. Autre témoin d’un usage ancien et d’une vague hygiéniste : les décrottoirs, une encoche à côté des portes d’entrée avec une barre dentée en métal servaient à nettoyer ses chaussures. L’ancêtre rustique du paillasson…

Chaque cour a son charme et son style

Parmi les plus belles cours intérieures de Rennes, figure celle à l’arrière de la crêperie Sainte-Anne, à laquelle on peut accéder par la rue de la Motte-Fablet. La forte déclivité rappelle qu’on se trouve sur le lieu du fossé qui entourait le rempart médiéval. Rue Vasselot, à l’emplacement de l’ancien couvent des Carmes un escalier à double volée se dévoile lors des visites guidées. Rue Saint-Georges, l’hôtel de Chalain est un exemple de disposition classique d’un hôtel particulier. Le corps de logis est au fond et les communs sur les côtés, avec les arcades des anciennes écuries. La cour intérieure de l’Institut Franco-américain vaut aussi le coup d’œil avec une ancienne fontaine et un escalier majestueux du XIXème siècle. La Cour de la prison Saint-Michel est étonnante elle aussi, avec de faux-airs de patio andalou ou de cour vénitienne. Un lieu festif incontournable avec ses terrasses secrètes.

La cour de l’Hôtel de Blossac (rue du Chapitre) est la plus connue et la plus accessible avec son escalier magnifique. La plus secrète et la plus zen est sans doute celle proche de la cathédrale. Un jardin secret avec son puit où résonnait autrefois les accords d’une école de musique. Pour pouvoir y entrer, réservez votre visite guidée…

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