Publié le 16 décembre 2022 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 28 décembre 2023

Miniature de la statue équestre de Coysevox

Un "trésor national" exposé au Musée des beaux-arts de Rennes

la miniature de la statue équestre de Louis XIV, qui trônait sur la place du Parlement jusqu'à la Révolution française, acquise par la ville de Rennes grâce au mécénat d'entreprise, fait Son entrée dans les collections du musée en présence de la maire de Rennes Nathalie Appéré et de la directrice du Louvre Laurence des Cars.Inauguration et dévoilement au public du modèle réduit de la statue équestre de Louis XIV réalisée par Antoine Coysevox, acquis par le MBA de Rennes.
Rennes Ville et Métropole - Christophe le Dévéhat

C’est une acquisition exceptionnelle qui a été réalisée par le Musée des beaux-arts de Rennes, avec le soutien de l’État et du groupe Norac : la miniature de la statue équestre de Louis XIV, réalisée par Antoine Coysevox, a rejoint ses collections et est désormais exposée aux yeux des visiteurs. Une « œuvre d’intérêt patrimonial majeur », liée à l’histoire de Rennes, qui était conservée dans une collection privée en Angleterre depuis la Révolution.

Une miniature découverte dans une collection en Angleterre

De la statue équestre en bronze du roi Louis XIV, réalisée par Antoine Coysevox au XVIIème siècle, ne restaient que les bas-reliefs (conservés au Musée des beaux-arts depuis le XVIIIème siècle) ainsi que des représentations sur des gravures, des estampes et des peintures. Installé en 1726 sur la Place du Parlement, ce monument impressionnant de près de 4 mètres de haut, juché sur un piédestal de 3 mètres, avait en effet été fondu en 1794 pendant la Révolution. Comme la plupart des statues royales en France.

Alors, quand Guillaume Kazerouni, conservateur chargé des collections d’art ancien du Musée des beaux-arts, a appris qu’il en existait une miniature, il a failli « tomber de sa chaise ». « Les équipes de Christie’s ont contacté le musée en 2019 parce qu’on venait de leur confier la vente privée de cette œuvre » se souvient Guillaume Kazerouni. « Grâce aux gravures, ils l’avaient identifiée comme étant une réduction de la statue royale de Rennes. Ils ont eu l’amabilité de nous contacter en premiers. Je connaissais la statue originale, mais je ne savais pas qu’il existait une miniature aussi parfaite ».

la miniature de la statue equestre de Louis XIV, qui tronait sur la place du Parlement
Rennes ville et Métropole – Christophe Le Dévéhat

L’œuvre d’Antoine Coysevox, le plus grand sculpteur de l’époque

Un « modèle réduit » de 94 cm réalisé par Coysevox, le plus célèbre sculpteur de l’époque, avec son piédestal de 120 cm. La statue originale étant elle-même son chef d’œuvre, la miniature a été reconnue comme une « œuvre d’intérêt patrimonial majeur ». Ce qui a facilité son acquisition par le Musée, avec le soutien de l’État et l’aide d’un mécène, le groupe rennais Norac, présidé par Bruno Caron. L’acquisition de cette miniature, d’une valeur de 2,37 millions d’euros, est la plus importante réalisée par le Musée dans toute son histoire.

« C’est formidable parce que cette opération a demandé beaucoup d’efforts » explique le conservateur. « On a pu constater la solidarité entre les musées, le Louvre nous a beaucoup aidés pour monter le dossier scientifique et le présenter devant la commission des trésors nationaux. C’est la première fois que le Musée se lance dans l’acquisition d’une œuvre aussi importante, avec le soutien de la ville, de l’État et grâce au mécénat du groupe Norac. Nous faisons désormais partie du petit club de musées non-parisiens à avoir réussi à acheter un “trésor national” ! »

Une statue reliée à une page importante de l’histoire de la Bretagne

L’acquisition est surtout l’occasion de raconter l’histoire de la statue originelle et la place qu’elle occupait dans la ville. « Le fait d’avoir cette œuvre au musée est capitale, car elle est liée à une page importante de l’histoire de la Bretagne. Qu’on peut retracer avec le tableau de la révolte du papier timbré et, dix ans après, avec le retour du Parlement et l’érection de cette statue de Louis XIV devant le palais. Tout est lié dans cette histoire et notre rôle en tant que musée est de la raconter à travers différentes œuvres de nos collections. Cette miniature fait partie de l’histoire de Rennes ».

Elle rejoint d’autres œuvres, comme les bas-reliefs de la statue originale à côté desquels elle est maintenant exposée, devant l’immense tableau La descente de croix de Charles Le Brun. Une statue miniature, dévoilée à l’occasion des Journées européennes du Matrimoine et Patrimoine, qui a été étudiée par les historiens et spécialistes de l’histoire de l’art. Un fascicule d’une cinquantaine de pages lui est consacré et est disponible à la boutique du musée. Il permet d’en savoir plus sur l’histoire d’une commande royale et le contexte dans lequel elle s’est inscrite.

Guillaume Kazerouni, conservateur chargé des collections d’art ancien du Musée des beaux-arts devant les bas-reliefs de la statue originale.

La statue était initialement destinée… à Nantes

Retour en arrière… « Les états de Bretagne commandent la statue de Louis XIV en 1685, dans un contexte politique breton particulier » raconte Gilles Brohan, animateur à l’architecture et au patrimoine à l’Office de tourisme. « Nous sommes dix ans après la Révolte du Papier timbré, une révolte contre les taxes violemment réprimée. Suite à cet événement, le Roi et Colbert ont exilé le Parlement de Bretagne à Vannes ».

La commande de la statue royale s’inscrit dans un plan plus vaste, le projet Colbert, qui décide l’installation de statues royales dans une quinzaine de villes françaises, mais ce sont bien les États de Bretagne qui passent la commande. « De la part des autorités locales, c’est une tentative de rendre hommage au souverain pour apaiser les choses. Ils font appel à l’artiste qui est considéré comme le plus grand virtuose de la sculpture à ce moment-là. Coysevox se met au travail et l’effigie du roi et du cheval sont conçus en même temps, vers 1688-1689. Les bas-reliefs en bronze sont réalisés dans la foulée, vers 1690 ».

Quand l’incendie de 1720 change la donne

Mais à l’origine, la statue était destinée à la ville de Nantes, sur le pont pour accueillir les ambassadeurs arrivant en bateaux. La statue est d’ailleurs « remisée » à Nantes pendant plusieurs années. Mais l’épisode de l’incendie de 1720 à Rennes va changer la donne.

« Dans le contexte de reconstruction de la ville, avec la venue de l’architecte du roi, c’est assez logiquement qu’en guise d’allégeance, on décide d’aménager une place royale devant le Parlement de Bretagne » explique Gilles Brohan. « Depuis la levée de l’ordre d’exil du Parlement en 1690 et avec le projet de reconstruction, toutes les planètes sont alignées pour installer la statue à Rennes ».

Avec ses 4 mètres de haut et ses 3 mètres de piédestal, c’est un monument à part entière. La virtuosité de Coysevox, la qualité de la sculpture, les détails qui ornent l’ensemble sont décrits par les observateurs de l’époque comme étant exceptionnels. Et la statue est placée de telle manière qu’il n’y ait jamais d’ombre portée sur l’effigie du roi. Il est toujours en pleine lumière. Des documents historiques montrent d’ailleurs l’inauguration de la statue en 1726 selon un rituel symbolisant la hiérarchie des pouvoirs.

Cérémonie d’inauguration de la statue en 1726. Collections Musée de Bretagne.

Son style rappelle les statues de l’Antiquité

La statue elle aussi est symbolique, elle « incarne » le pouvoir royal au cœur de Rennes.  « Même si le roi Louis XIV était décédé depuis longtemps, son successeur Louis XV n’avait pas encore l’aura qui justifierait que la statue soit à son effigie. Et à cette époque, vanter le mérite du règne passé et son côté grandiose, dans un style martial, était assez traditionnel. Et puis il fallait bien faire quelque chose de cette statue ! » détaille Gilles Brohan.

Le style de la statue s’inscrit dans une tradition plus ancienne de représentation du pouvoir. « La symbolique de la statue équestre remonte à l’Antiquité. La plus ancienne est celle de Marc Aurèle sur la place du Capitole à Rome. Dans la pensée antique c’est la représentation du pouvoir incarnée par l’empereur. Le fait d’être à cheval symbolise l’aspect martial, le côté chef de guerre. La maîtrise de l’animal sous-entend aussi le pouvoir du chef » explique Gilles Brohan.

Un chef-d’oeuvre de plus dans les collections du Musée

La statue reste sur la place, jusqu’à la Révolution française. Comme beaucoup d’autres statues royales après la chute de la monarchie, elle disparaît de la place publique et est stockée dans le cimetière Saint-Germain avant d’être envoyée aux forges de Paimpont pour être fondue et transformée en canons.

La miniature disparaît elle aussi à la Révolution. L’une des hypothèses est qu’une famille aristocratique bretonne ou rennaise l’a emportée dans ses bagages lors de sa fuite en Angleterre. Mais il est aussi possible que cette pièce unique ait servie de “cadeau diplomatique”, d’où sa présence Outre-Manche.

Les spécialistes du patrimoine s’accordent en tout cas sur une chose : son retour à Rennes est cohérent avec le parcours historique de cette œuvre et le fait que d’autres éléments sont déjà présents au Musée. Les visiteurs pourront ainsi admirer la finesse du travail de Coysevox. Une raison de plus d’aller faire un tour pour voir les collections permanentes du Musée qui comptent de nombreux autres chefs-d’œuvre de toutes les époques.

  • A voir au Musée des beaux-arts de Rennes, 20 quai Emile Zola, 35000 Rennes. Accès gratuit aux collections permanentes du mardi au dimanche de 10h à 18h. Accès métro ligne a (station République), ou ligne b (station Saint-Germain). http://mba.rennes.fr/
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