Publié le 19 août 2021 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 4 janvier 2024

Ced Bouchu

Depuis 20 ans, il suit l’évolution de la scène musicale rennaise

Portrait de Ced Bouchu du Festival I'm from Rennes
Destination Rennes - Nicolas Joubard

Programmateur du festival I’m from Rennes et organisateur d’événements, Ced Bouchu connaît bien la scène musicale rennaise qu’il accompagne depuis plus de 20 ans. Au fil de ses rencontres dans le « village rennais », il est passé par tous les lieux et festivals où se produisent les groupes locaux : dans les bars, à la radio Canal B, à l’Antipode, aux Trans Musicales, à l’Ubu… Retour sur son parcours et sur l’évolution d’un festival 100% local.

Tombé dans la musique à 14 ans…

Ced est littéralement tombé dans la musique, à l’âge de 14 ans. Un âge auquel il éduquait son oreille grâce à une rencontre, le fruit du hasard. « Je faisais du babysitting chez quelqu’un qui avait la discothèque idéale, avec tous les albums essentiels de l’histoire du rock » se souvient Ced Bouchu. « A l’époque je faisais du roller dans un club et lors d’une compétition, je me suis blessé. J’ai dû arrêter le sport pendant six mois, c’est là que la musique m’a vraiment attrapé ». Il raccroche alors temporairement les patins et remplace les 15 heures de roller hebdomadaires par 15 heures d’écoute musicale et de recherche sur l’histoire des groupes… Une éducation musicale, fruit d’une rencontre et d’une chute, qui ne pouvait pas tomber mieux.

Au lycée, il commence à mixer puis, pendant ses études en carrières sociales à Rennes 2, anime les soirées étudiantes. L’amour du mix l’amène à faire le DJ dans les bars, passage obligé de tous les étudiants rennais.

« Toute ma vie professionnelle est une histoire de rencontres »

Destination Rennes – Nicolas Joubard

Au fil de ses rencontres avec d’autres passionnés de musique, il devient bénévole à l’Antipode, « une structure de musiques actuelles où j’ai beaucoup appris. On faisait de tout : depuis la technique jusqu’au collage d’affiches ». La suite, c’est un passage par la radio Canal B. « Devenir salarié à Canal B, c’était un peu un rêve, toute ma vie professionnelle est une histoire de rencontres » confie Ced. Des années radio pendant lesquelles il mixe de plus en plus. « Je suis passé des bars, aux salles de concerts et aux festivals. Au Sablier, j’ai aussi fait la rencontre de la Troupe d’improvisation rennaise, la TIR. Voir des gens qui montent sur scène sans savoir ce qu’ils vont faire à l’avance, j’ai trouvé ça génial ». Il chope alors le virus de l’impro et encore aujourd’hui, il sonorise les performances de la troupe. « Je suis le doyen de la troupe maintenant » rigole Ced.

Après ses années radio, il entre en Trans… Musicales. En tant qu’accompagnateur de la Tournée des Trans qui met en avant les groupes émergents de la scène bretonne. Une nouvelle expérience au service des groupes locaux…

Autre émission, toujours sur Canal B, l’écho de l’Ubu, l’amène au Oan’s Pub, QG des musiciens rennais. « Le patron du Oan’s me demande de fabriquer une émission dans le pub. La configuration n’était pas évidente, le bar est assez petit pour des concerts. Le concept de l’écho du Oan’s était simple : une interview avec un groupe, suivi d’un live. Grâce à une super équipe d’ingés sons on a réussi à sortir des lives incroyables avec les Bikini Machine, Didier Wampas, Mermonte ou encore The Decline… 60 émissions au total… »

Une première édition en 2012…

L’écho a conduit au festival I’m from Rennes. En 2012, quand 5 groupes rennais (Success, The Popopopops, Juveniles, Wankin Noodles, Manceau) décident de créer leur événement musical, ils se tournent naturellement vers la bande de l’Echo du Oan’s. « On était tout une équipe, très complémentaire, ils nous ont demandé de créer un concept représentatif de la scène rennaise. De là est né l’idée de faire des formats insolites avec des concerts en appartement, des radio lives dans les cafés, des happenings dans différents lieux pour valoriser la scène rennaise ». Une première édition réussie qui ne devait être qu’un « one shot ». Mais dix ans plus tard, le festival I’m from Rennes est toujours là. Grâce à une scène rennaise toujours aussi foisonnante.

« On préfère parler de la scène rennaise plutôt que des scènes rennaises »

I’m from Rennes – Magali R.

« L’ébullition d’aujourd’hui dans la scène rennaise est la même que celle des années 80 avec Les Marquis de Sade, les Nus ou Frakture, le moment du début des Trans Musicales… » raconte Ced « A l’époque, c’était la première fois que Rennes rayonnait et attirait des journalistes parisiens qui se disaient : il se passe un truc là-bas. »

Et aujourd’hui il se passe à nouveau beaucoup de choses sur la scène rennaise. En dix ans, I’m from Rennes a ainsi programmé plus de 300 groupes, de tous les styles. Car Rennes n’est plus seulement une ville rock, c’est la ville de toutes les musiques. « Dans l’équipe on préfère parler de la scène rennaise plutôt que des scènes rennaises. On veut que tous les genres soient représentés sur une seule scène : musiques du monde, electro, rock, garage, rap… on est persuadés qu’il n’y a pas de chapelle et que tout le monde peut se rencontrer autour d’un concert ».

« Chez I’m from Rennes on est des bébés des Trans et des Tombées de la Nuit »

Les rencontres encore et toujours… à l’origine aussi de la transmission de la passion pour la musique dans la ville. « Depuis la grande époque des années 1970-1980, il y a toujours eu un travail de passation entre des générations de musiciens, je crois que ça vient un peu de l’esprit associatif. Les jeunes s’inspirent des plus vieux et finissent pas se rencontrer, parce que Rennes est un village ».

I’m from Rennes – Magali R.

Une histoire de filiation aussi. « A Rennes, si tu as envie de faire quelque chose, tu peux, c’est motivant. Des personnalités comme Jean-Louis Brossard ont donné envie à plein de jeunes comme moi de se lancer. Finalement le festival est né autour de la même idée de départ que les Trans Musicales : valoriser les groupes rennais. Chez I’m from Rennes on est des bébés des Trans et des Tombées de la Nuit. Claude Guinard, c’est aussi quelqu’un d’important pour nous ».

Un festival local qui fait appel à tous les talents rennais

Le Festival qui fête en 2021 sa dixième édition (il a lieu du 19 au 26 septembre) continue de s’améliorer. « Aujourd’hui on est considéré comme une scène de qualité, même si on travaille de manière artisanale avec une équipe de passionnés ». Un côté artisanal et collectif revendiqué. « Derrière le programmateur, il y a toute une équipe de techniciens, de militants ». Qui veulent aller encore plus loin dans la démarche de développement durable.

I’m from Rennes – Iulia Filp

« Par rapport à d’autres structures et festivals, on a déjà un très bon bilan carbone parce que tous les artistes programmés sont déjà sur place. On n’a pas le souci de les faire venir de l’étranger ! » Depuis les premières éditions l’équipe du festival fait en sorte de limiter les déchets plastiques, d’éviter que les gens ne jettent leurs mégots dans les lieux investis par le festival, en particulier au Thabor. La démarche fait donc partie de l’ADN de ce festival 100% local. « Dès le départ I’m from Rennes a travaillé avec les groupes locaux, mais plus généralement avec les talents locaux : les brasseries, les commerçants, les graphistes, les associations sportives, il y a ici un vivier énorme. Même nos affiches ont toujours été créées par des artistes rennais ».

Le visuel 2021 réalisé par le studio Complet Complet

Le visuel du millésime 2021 ne déroge pas à la règle. Après Elly Oldman en 2019, et Hugues Renouard, alias Ugh! en 2020, le festival a fait appel à un nouvel illustrateur rennais : le studio Complet Complet. « L’idée est de mettre à chaque fois un artiste différent en avant » rappelle Ced. Xavier Carjuzââ, graphiste autodidacte qui s’est lancé récemment sous le nom de Complet Complet, travaille habituellement des créations en pointillisme, mais il s’est vite approprié les codes visuels du festival pour créer le visuel de l’édition 2021, en s’inspirant de l’univers de la cartomancie. « Le mot-clé de l’affiche c’est le rayonnement, elle est très graphique et se suffit à elle-même » explique Xavier qui y a aussi glissé quelques rappels à l’architecture de la Salle de la Cité.

35 exemplaires de l’affiche en séries limitées ont été réalisées en linogravure et exposées pendant tout l’été dans des lieux partenaires. Une autre série limitée en sérigraphie a été fabriquée au même endroit au Marché Noir et à la Presse-Purée, atelier de sérigraphie du quartier de Villejean. « Le côté fait main nous correspond bien » indique Ced. « Nous aussi, on est des artisans ».

Un festival engagé dans le développement durable

Cette année l’équipe veut d’ailleurs aller encore plus loin dans la démarche. Au plus fort de la pandémie I’m from Rennes a fait appel à Ludovic Thoris de Cyclogistic. Avec sa société spécialisée dans le transport éco-responsable à vélo, il a développé une remorque DJ alimentée qui a déambulé dans les quartiers. Une expérimentation concluante. Pour l’édition 2021, Ludovic va d’ailleurs assurer le rôle de runner en transportant à vélo tout le matériel. Le festival fait également appel pour 4 événements à Loïc Communier de chez Even Terra qui a développé un système son solaire qui permet de se passer d’électricité pour des événements amplifiés. Des innovations pour un festival encore plus sobre et engagé.

Les lieux et coups de cœur de Ced Bouchu à Rennes

La rue Saint-Georges

« Dans la rue Saint-Georges, qui est toujours assez calme, tu as l’impression d’être ailleurs. Quand j’étais lycéen à Anne de Bretagne je traînais beaucoup au Saint-Georges, c’est là qu’on m’a proposé pour la première fois de mixer pour une soirée. A l’époque on passait d’un bar à l’autre, tout le monde se connaissait. Au Carmes, ils avaient fait même fait venir les Daft Punk ! »

La piste de roller de la Poterie

Destination Rennes – Nicolas Joubard

« Dans l’équipe on est tous fans de sports de glisse. Moi c’est le roller. L’anneau de vitesse de la Poterie, j’aime bien y aller le matin avant de commencer la journée au moment où la ville se réveille, c’est mon moment à moi ».

Le Parc Oberthür

Destination Rennes – JF Molliere

« Un lieu pour se ressourcer, c’est un parc qui est toujours calme, jamais bondé. J’adore particulièrement le kiosque où j’ai passé des journées entières à écouter de la musique et à jouer de la guitare. A cet endroit-là on a une vue d’ensemble du parc, de la maison. J’adore l’histoire du lieu : le fait qu’Oberthür ait légué ce jardin pour les habitants, les gens qui aiment leur ville à ce point, c’est le meilleur exemple du vivre ensemble. Et moi ce que j’aime c’est le vivre ensemble, la musique y contribue. C’est mon leitmotiv. »

La Salle de la Cité

« C’est là que les TransMusicales ont commencé et que la première édition de I’m from Rennes a eu lieu. J’aime bien le fait que cette salle soit en plein centre, accessible à tous avec ce côté salle polyvalente, comme une place de village. C’est aussi un symbole : la maison du peuple, ça veut dire énormément de choses ».

Le nouvel Antipode

« Le nouveau bâtiment (dont l’ouverture est prévue à la rentrée) va changer beaucoup de choses, une scène de musiques actuelles nouvelle génération avec une nouvelle directrice, Stéphanie Thomas-Bonnetin, que beaucoup de monde connaît dans la musique à Rennes ».

Le groupe rennais qui a marqué le festival : Her

« Un groupe qui a beaucoup compté pour nous c’est Her. Simon Carpentier faisait partie de l’équipe en tant que programmateur. Il nous a toujours dit qu’il avait deux projets dans sa vie : Her et I’m from Rennes. C’était quelqu’un qu’on estimait énormément. Leur premier album a eu une énorme histoire. On les avait déjà programmés au festival, alors qu’ils étaient encore inconnus, lors d’un concert en appartement avec 30 personnes. L’année suivante on les a programmés au théâtre de verdure du Thabor. C’était incroyable, on attendait 1500 personnes et on s’est retrouvés avec 5000 personnes. Ce moment a été un tournant dans l’histoire du festival ».

Tourisme éco-responsable