Publié le 06 mai 2021 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 11 octobre 2023

« Le thème du noir et du blanc est un fil conducteur de la Collection Pinault »

Interview avec Jean-Jacques Aillagon, Directeur Général de Pinault Collection

L’exposition « au-delà de la Couleur, le noir et le blanc dans la Collection Pinault » aura lieu au Couvent des Jacobins, du 12 juin au 29 août 2021. Un parcours autour d’une centaine d’œuvres et 56 artistes représentant différentes disciplines : photographie, peinture, sculpture, vidéos… Jean-Jacques Aillagon, Directeur général de Pinault Collection, trace les grandes lignes de ce rendez-vous estival de l’art contemporain.

Comment est née l’idée d’aborder le thème du noir et du blanc ?

La collection de François Pinault se partage entre les œuvres d’artistes engagés dans les grands débats du monde d’aujourd’hui et celles qui s’interrogent, avec radicalité, sur les formes de l’expression artistique elle-même. L’usage exclusif du noir et du blanc caractérise souvent ces deux attitudes artistiques et constitue l’un des fils conducteurs de la collection Pinault.

Le noir et le blanc ont une résonance particulière avec le Couvent des Jacobins, Rennes et la Bretagne…

C’est également l’une des raisons pour lesquelles ce thème m’a semblé opportun. Le blanc et le noir sont les couleurs du drapeau de la Bretagne, le Gwenn ha Du, mais aussi les couleurs des armoiries de la Ville de Rennes et de l’ordre des Jacobins, c’est-à-dire des dominicains dont l’habit est noir et blanc.

« Au-delà de la couleur… » cela signifie que le noir et le blanc ne sont pas considérées comme des couleurs ?

En effet, selon la théorie des couleurs de Newton, les couleurs, au nombre de sept, procèdent de la décomposition de la lumière blanche, comme on le constate dans l’arc-en-ciel. Le blanc est donc la synthèse de toutes les couleurs sans en être proprement une. Quant au noir, il résulte de l’absence de lumière et donc de couleur. Cette théorie est intéressante. Elle n’enlève cependant rien au fait que le noir et le blanc sont, dans le sens courant des choses, des couleurs. Ne dit-on pas qu’on « teint un vêtement en noir », c’est-à-dire qu’on lui donne la couleur noire qu’il ne possédait pas auparavant. Ambroise Vollard ira d’ailleurs même jusqu’à déclarer « le noir c’est la reine des couleurs ». 

Pourquoi François Pinault collectionne-t-il autant d’œuvres en noir et blanc ?

C’est un axe qui répond profondément à sa sensibilité. Dans son bureau, il n’y a que des monochromes blanc, son goût le plus spontané le porte vers des œuvres d’une très grande simplicité et d’une grande sobriété. Et parmi toutes les couleurs, rien n’est plus sobre que le noir et le blanc. C’est pourquoi à plusieurs étapes de l’exposition on parle du noir et du blanc comme couleurs de l’ascèse qui permettent le « less is more ». Dans la mode et la création vestimentaire ce sont les couleurs du « grand chic ». Il y a ainsi une sorte de radicalité dans le blanc et le noir dans tous les domaines de la création : l’architecture, le design, les arts plastiques, la mode, le graphisme…

En 2018, l’exposition « Debout ! » présentait des sculptures monumentales, celle de 2021 regroupe plus d’artistes et deux fois plus d’œuvres, des photographies, mais aussi des pièces iconiques de la mode, pourquoi ce choix ?

Le thème de l’exposition de 2018 invitait à la monumentalité verticale, celui de 2021, à des monumentalités physiques horizontales comme on le voit avec les neuf gisants alignés de Maurizio Cattelan. La monumentalité c’est aussi celle de l’importance historique des artistes exposés comme Man Ray, Dan Flavin ou Robert Ryman ou encore de leur place très visible sur la scène internationale actuelle comme celles de Jeff Koons ou de Damien Hirst. L’exposition rassemble 110 œuvres de 56 artistes et 3 créateurs de mode. Certains de ces artistes – je pense notamment à Adel Abdessemed – étant représentés par plusieurs œuvres. Les photographies présentées sont celles de géants de notre époque comme Irvin Penn, Richard Avedon, Annie Leibovitz ou Raymond Depardon. S’ajoutent à la sélection d’œuvres plastiques quatre modèles des maisons Balenciaga et Saint Laurent, noirs et blancs évidemment.

Paul McCarthy, Bear and Rabbit on a Rock, 1992 © Palazzo Grassi Spa. / © Paul McCarthy

Au Couvent des Jacobins, le parcours des visiteurs sera très différent de celui de 2018, à quelle expérience faut-il s’attendre ?

Il sera en effet différent. Il fallait éviter la routine. En inversant le sens du parcours, on invite notamment le visiteur à découvrir les lieux de façon renouvelée. La situation sanitaire nous a également conduit à dissocier l’entrée et la sortie de l’exposition, ce qui a permis d’imaginer un parcours très original.

Le parcours se poursuit avec la « Couleur crue » au Musée des beaux-arts. En quoi les deux expositions sont-elles complémentaires ?

L’exposition des Jacobins a pour titre « Au-delà de la couleur » mais sa dernière salle s’intitule « au-delà du noir et du blanc » et illustre ce que j’appelle la « revanche de la couleur ». Elle constitue donc une sorte d’invitation à poursuivre l’exploration du rôle des couleurs ou de leur absence dans l’exposition « Couleur crue » au Musée des beaux-arts. Les deux expositions sont complémentaires et s’inscrivent dans le programme estival de la ville de Rennes, Exporama.

Infos pratiques 

  • Du 12 juin au 29 août 2021, billet commun pour les deux expositions « Au-delà de la couleur. Le noir et le blanc dans la Collection Pinault » au Couvent des Jacobins, centre des congrès de Rennes Métropole (20 Place Saint-Anne), et « La Couleur crue » au Musée des beaux-arts (20 quai Emile Zola). Plein tarif : 10€. Tarif réduit : 4€. Gratuit pour les moins de 26 ans. Billetterie sur www.exposition-pinault-rennes.com
Tourisme éco-responsable