Publié le 07 mars 2022 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 28 décembre 2023

Il était une fois… les Portes mordelaises

Les remparts de Rennes, un patrimoine qui a traversé le temps

Les Portes Mordelaises illuminées
Destination Rennes – Franck Hamon

Le rempart médiéval de Rennes est actuellement réaménagé en promenade. Un pan du patrimoine local à découvrir lors d’une visite guidée, en particulier pour l’un de ses éléments les plus remarquables : les Portes mordelaises, symboles de l’histoire des Ducs de Bretagne.

Rennes autrefois surnommée « la ville Rouge » 

Destination Rennes – Franck Hamon

Les remparts de Rennes ont une longue histoire qui remonte à l’Antiquité… A cette époque, la ville de Condate était surnommée « La Rouge », en raison de la couleur brique des murs qui protégeaient la cité. Une enceinte gallo-romaine dont on peut apercevoir encore quelques vestiges du côté de la Croix de la Mission. Construite en temps de paix, entre l’an 275 et 300 de notre ère, sa vocation était autant défensive qu’ostentatoire. On la voyait de très loin, même si elle mesurait seulement 1200 mètres de long. A l’emplacement des Portes mordelaises, construites bien plus tard, il existait déjà une porte antique. « L’histoire locale et le travail des érudits du XIXème siècle évoquent la présence d’une porte antique, les récentes fouilles archéologiques ont permis de l’attester. C’était l’une des quatre portes cardinales, un des axes principaux pour accéder à la ville de Condate » raconte Gilles Brohan, Animateur de l’architecture et du patrimoine à l’Office de tourisme.

De nouvelles fortifications au XVème siècle

Détail des fortifications avec vue sur la cathédrale
Rennes Ville et Métropole – Arnaud Loubry

Au Moyen Âge, c’est sur ce tracé antique qu’est édifié le rempart qui est encore debout par endroit. Au XVème siècle, entre 1442 et 1452, les Portes Mordelaises sont reconstruites pour défendre l’entrée de la ville et s’adapter à de nouvelles menaces, dans un contexte militaire marqué par la Guerre de Succession en Bretagne et par la Guerre de Cent ans. Aux Portes médiévales on ajoute ainsi un boulevard d’artillerie. « A cette époque, grâce à des canons plus puissants, on commence à défendre la ville autrement avec des avancées. Le boulevard d’artillerie en est un exemple : il s’agit d’une barbacane en forme de fer à cheval avec des niches pour les éléments d’artillerie et une entrée déportée sur le côté. Une sorte de sas avant la porte de la ville » explique Gilles Brohan.

Un rempart, suivi de deux autres

Les nouveaux remparts et les portes, dont le nom évoque Mordelles la première paroisse en direction de l’Ouest, seront suivis d’autres fortifications. Vers 1450, une enceinte protège la zone Nord qui s’étend de la Place Rallier du Baty au quartier Saint-Georges. De 1450 à 1470, c’est la partie sud, où se trouvent les activités économiques comme les tanneurs et les bouchers, qui sera fortifiée. Un quatrième rempart était même prévu du côté de la Place Sainte-Anne mais il ne verra jamais le jour, faute de financement. Au niveau des matériaux, les bâtisseurs de l’époque font au plus vite en optant pour le réemploi de matériaux antiques et en utilisant des parements de moëlons. Ils ont aussi recours à une pierre locale de couleur pourpre, le schiste, extraite des carrières d’Orgères. Ce périmètre fortifié permet de défendre la ville, jusqu’au XVIIème siècle, où il est en partie démantelé, sur décision royale.

Les Portes mordelaises, symbole des Ducs de Bretagne

Les Portes Mordelaises sous la neige
Les Portes Mordelaises sous la neige © Destination Rennes / Julien Mignot

Les Portes mordelaises sont intéressantes d’un point de vue de l’architecture militaire mais également au niveau symbolique. C’est par là que les Ducs de Bretagne entraient dans la ville pour y être couronnés. « Jusqu’au rattachement de la Bretagne à la France, Rennes avait un statut particulier par rapport aux autres villes bretonnes c’était la ville du couronnement des Ducs et des Duchesses de Bretagne » rappelle Gilles Brohan.

Le couronnement des Ducs, un rituel bien codifié avec un passage par les Portes mordelaises

Ils pénétraient par les portes, selon un cérémonial très codifié, rapporté par les archives : le futur Duc ou la future Duchesse, arrive avec son escorte dans la barbacane devant une porte symboliquement fermée. S’en suit une prestation de serment de défense des libertés bretonnes qui intrônise le nouveau souverain ducal. La porte s’ouvre alors, l’escorte entre dans la ville en direction de la cathédrale où le Duc passe une nuit de prières avant d’être couronné le lendemain. C’est ce qui s’est passé notamment lorsque Anne de Bretagne est couronnée en 1489. Symbole du pouvoir ducal et de la Bretagne, les Portes mordelaises ont gardé par la suite une place à part, en tant qu’entrée principale de la ville. Les nouveaux évêques et les souverains en visite empruntant le même parcours en direction de la cathédrale.

Comment les remparts ont traversé le temps

Destination Rennes – Franck Hamon

Aujourd’hui, s’il ne reste que deux morceaux du rempart, entre la Place du Maréchal Foch et la Place Rallier du Baty, c’est parce qu’il a été en partie démantelé au début du XVIIème siècle. A cette époque, le pouvoir royal décide en effet de démanteler certaines fortifications pour éviter que des troupes ennemies ne s’y retranchent, dans une période marquée par les guerres de religion. « Le souci de sécurité publique se double pour les villes d’une problématique financière : la charge d’entretien des remparts était lourde et entraînait de nombreux conflits de voisinage » ajoute Gilles Brohan. « Le sous-sol étant pauvre en pierre à bâtir, on a commencé à récupérer les pierres des remparts pour d’autres constructions tout en gagnant du terrain ».  Il reste tout de même des éléments des remparts, cachés dans les sous-sol, ou d’autres visibles par exemple au Délicatessen, une discothèque installée dans l’ancienne prison Saint-Michel. Place du Champ Jacquet, derrière les maisons à pans-de-bois, le rempart est toujours là, il en reste également tout un pan entre la Place Rallier du Baty et la Place des Lices, invisible aux yeux des passants…

Doit-on dire “les Portes mordelaises” ou “la Porte mordelaise” ?

C’est un débat qui enflamme souvent les curieux du patrimoine : doit on parler des Portes mordelaises au pluriel ou au singulier ? Les deux mon capitaine ! La Porte mordelaise désigne en effet le châtelet à deux tours qui vient d’être restauré. Une seule porte donc. On peut alors parler de la Porte mordelaise quand on franchit l’ancien pont-levis qui mène à la cathédrale. Mais il existait autrefois une autre porte mordelaise et un autre pont-levis qui se situait devant l’actuel salon de thé. Aujourd’hui disparue, elle est symbolisée par un nouveau platement en bois qui fait office de terrasse en lieu et place du pont-levis. Le terme pluriel “les Portes Mordelaises” désigne donc l’ensemble des fortifications, dont un élément a disparu.

Les Portes mordelaises transformées en logements, en prison et… en boite de nuit

Les Portes mordelaises ont été plus préservées que le rempart. En raison de leur dimension historique et aussi parce qu’elles ont toujours été occupées, entretenues et même protégées par d’autres bâtiments. Après l’incendie de 1720, on reloge dans les tours des sinistrés, à la Révolution elle devient une prison surnommée la « Porte Marat », au XIXème siècle des appartements y sont aménagés.

Les Tours sont occupées jusque dans les années 1980, avec au sous-sol de la tour Ouest, une boite de nuit et au-dessus les bureaux du syndicat d’initiative, ancêtre de l’office de tourisme.

Un nouveau lieu de promenade

Il est facile de passer à côté des Portes mordelaises. Elles sont un peu cachées mais recèlent pourtant des éléments architecturaux qui valent le coup d’oeil. « On peut encore y voir les traces du système de pont-levis et le blason des ducs de Bretagne » indique Gilles Brohan. « La forme des machicoulis est également intéressante, avec des blocs de granit et un arc trilobé, une signature bretonne qu’on retrouve sur d’autres fortifications en Bretagne à Vannes et Guérande ». Un patrimoine à découvrir lors d’une visite guidée proposée par l’office de tourisme, notamment la visite du coeur historique et celle consacrée à Rennes au Moyen Âge. 

Un futur jardin des remparts

Le Square Hyacinte Lorette
Le Square Hyacinte Lorette © Destination Rennes / Julien Mignot

Les Portes mordelaises font d’ailleurs l’objet d’une mise en valeur avec une promenade qui fera la jonction entre la Place des Lices et le square Hyacinthe Lorette, dominé par la Tour Duchesne et relier ainsi le centre ancien avec le très branché Mail François Mitterrand et ses agréables terrasses. Le long du rempart les terrasses des restaurants de la rue nantaise prendront place à l’horizon 2024. Une passerelle de 70 mètres fera la jonction depuis la Porte Mordelaise en longeant le mur du boulevard d’artillerie. Une balade urbaine qui sera dédiée aux piétons et aux mobilités douces, adaptée aux personnes à mobilité réduite.

En attendant, de bonnes adresses vous attendent déjà autour des Portes mordelaises pour profiter de la vue sur ce joyau médiéval. En particulier, Thé au fourneau, un salon de thé et restaurant qui donne directement sur les Portes mordelaises. Mais aussi la crêperie du Pont-Levis dans la rue qui remonte vers la cathédrale et la crêperie la Motte-Picquet. Si vous venez à Rennes, n’oubliez pas de passer par les fameuses Portes mordelaises, comme le faisaient autrefois les Ducs et les Duchesses de Bretagne.

Tourisme éco-responsable